» De mon plein gré » de Mathilde Forget aux éditions Grasset
[LITTERATURE]
C’est le récit qui manquait à la littérature, celui de la violence subie par la victime amenée à se justifier. C’est le récit du récit, celui qui doit embrayer après le fameux « Bon, on va reprendre depuis le début ». C’est le récit de la collecte des indices et des preuves. Le récit de l’enchaînement des mots et des actes qui font germer le désordre de la pensée au point de ne plus savoir si, elle, assise là, est la victime ou l’accusée. Et Mathilde Forget entraîne le lecteur dans cette ambiguïté pour le moins inconfortable, dès le début avec l’incipit « Je me suis livrée à la police moi-même ». Car, malgré la relative bienveillance de ses interlocuteurs, les heures qui suivent, dans ce commissariat, ne manqueront pas de la faire vaciller, sur cette chaise, sur ce chemin de crète étroit entre douleur et culpabilité. Cette culpabilité qui n’a pas sa place mais qui s’impose.
L’intelligence de la narration prend le lecteur lui-même au piège jusqu’à ce que petit à petit tout prenne sens. Ça percute par des questions/affirmations obsessionnelles qui reviennent et martèlent le bon sens ; ça bouleverse par la violence insidieuse de la machine judiciaire sans juger ceux qui l’incarnent. C’est drôle aussi parfois (merci !) par des situations ou répliques incongrues. C’est très court, ça se lit en apnée mais, faut-il l’avouer, avec aussi un grand enthousiasme littéraire (cette écriture, ce style, cette narration !).